La réalisation des références spatio-temporelles

Résumé

Nous montrons dans cet article comment les deux grandes révolutions de la physique théorique du xxème siècle – la physique quantique et la relativité générale – ont façonné nos systèmes de références spatio-temporelles modernes et leurs réalisations. D’une part, le développement de la physique quantique a permis l’invention des horloges atomiques et de relier la seconde, l’unité de temps physique, à une grandeur physique postulée comme universelle : une fréquence de transition de l’atome de Césium. D’autre part, la relativité générale a permis de développer le cadre conceptuel dans lequel relier les durées mesurées par un ensemble d’horloges avec un temps-coordonnée global, dont la réalisation permet l’établissement des échelles de temps internationales. Nous montrerons aussi comment la construction et la matérialisation des références spatio-temporelles peut s’inscrire dans une interprétation bachelardienne au travers du concept de phenoménotechnique. Le lien entre les mesures des horloges et les échelles de temps internationales dépend d’un modèle géométrique de l’espace-temps. Afin d’établir une entente sur les échelles de temps internationales, des organismes internationaux ont définit des modèles géométriques conventionnels de l’espace-temps, définissant implicitement les référentiels spatio-temporel conventionnels. Ces organismes sont l’Union Astronomique Internationale (UAI) et le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM).

Ainsi, le cadre conceptuel des référentiels spatio-temporels, élaboré à partir des théories physiques, est matérialisé par un ensemble de mesures de temps ou de fréquence selon des protocoles expérimentaux bien documentés et des conventions internationales. L’accord entre ces mesures et les prédictions des mesures calculées dans le cadre conceptuel nous renseigne sur le fait que notre cadre conceptuel est une « bonne » description de la réalité. L’étude de cet accord est l’objet de la métrologie. Cependant, il arrive souvent que nos mesures ne correspondent pas à leur prédiction, ce qui confère un pouvoir heuristique à la métrologie, et qui peut mener à la découverte d’une nouvelle loi physique, à une meilleure description de nos instruments de mesures et de nos procédures expérimentales, voire à remettre en cause le cadre conceptuel et donc la théorie physique sous-jacente. Nous décrirons deux exemples de cette démarche heuristique métrologique : l’expérience historique du pendule des astronomes, et son pendant moderne avec des horloges atomiques.

https://doi.org/10.7413/2724-5470104
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